Тургенев И. С. - Виардо Полине, 23, 26 июля (4, 7 августа) 1850 г.

147. ПОЛИНЕ ВИАРДО

23, 26 июля (4, 7 августа) 1850. Тургеневе 

Tourguenevo1.

Dimanche soir, le 21 juillet/2 aout 18502.

Me voila donc au beau milieu des steppes - au fond du' sac, chere, bonne, excellente amie - aussi loin de vous que possible, loin de toutes les facons - car nous n'avons pas de journaux ici comme vous pouvez bien vous l'imaginer. - Prenez un atlas, cherchez sur la carte de Russie le chemin qui mene de Moscou a Toula et de Toula a Orel - et si entre ces deux dernieres villes vous trouvez un bourg du nom de Tschern - (un peu avant d'arriver a une autre ville qui a pour nom Mtsensk), pensez que je suis a deux lieues de France (10 werstes) de ce bourg. - Ce petit bien que j'habite maintenant a appartenu autrefois a mon pere - et c'est pour le moment tout ce que je possede sur terre. - Je vous parlais dans ma derniere lettre du fil auquel toutes nos esperances etaient suspendues: eh bien - ce fil s'est rompu definitivement et pour toujours. - Le jour meme de mon depart de Moscou, tout s'est decide. - Il m'est impossible et vous comprenez bien pourquoi - de vous communiquer tous les details de cette affaire; qu'il vous suffise de savoir que malgre tous mes menagements, mes sacrifices - apres avoir, pendant plus de quinze jours, epuise tout ce que j'avais de ressources dans mon esprit - je me suis vu force de choisir entre la perte de ma dignite, de mon independance - et la pauvrete. - Mon choix n'a pas ete long a faire - j'ai quitte la maison de ma mere et renonce a sa fortune3. - Vous me croirez, n'est-ce pas, mes amis, quand je vous dirai qu'il m'a ete impossible de faire autrement - je ne voudrais accuser personne - surtout maintenant - mais en verite, on est alle trop loin - beaucoup trop loin - le desir de tromper a ete trop evident, trop palpable - je vous le repete - dans cet instant je ne me croirais plus digne de votre estime si j'avais agi autrement. - Quand nous nous reverrons - quand j'aurai ce bonheur si grand que j'ose a peine y croire - je vous raconterai tout... a present, je dois me taire. Heureusement, je n'ai pas entraine mon frere dans mon naufrage - je crois meme qu'il y gagnera par contre-coup et j'en suis bien content - car c'est un brave et digne homme. - Sa femme aussi, que j'ai appris a connaitre beaucoup mieux qu'auparavant, est une excellente personne. - Je fais des voeux pour leur bonheur - ils le meritent bien pour toutes les tribulations qu'ils ont subies.

Mais vous pouvez comprendre maintenant, sans que je vous le dise - avec quels sentiments j'ai revu le petit village ou je suis maintenant... Voila donc pourquoi j'ai quitte tant de bonheur la-bas... Mes amis, il n'y a que votre souvenir, que votre affection qui me soutienne - je succomberais sous le poids de la tristesse, si je n'avais mon passe - et l'esperance de l'avenir... Aussi vous n'avez pas d'idee combien je vous aime - je vous enlace, je me cramponne a vous avec une force desesperee - je vous cheris, je vous aime - je pense a vous a chaque instant.

Nous sommes arrives ici avant-hier, mon frere, sa femme et moi. - Mon frere va s'etablir ici en gentilhomme campagnard. - Je passerai ici deux mois et apres avoir un peu arrange mes affaires, je retourne a Petersbourg pour y vivre en travaillant et par mon travail. - La situation de Tourguenevo est assez riante. Des collines, des bois - une riviere qui serpente fort agreablement - de grands pres d'un beau vert - mais la maison est fort petite, le jardin tout a fait abandonne - pas de fruits - une absence presque complete de tout ce qui fait un menage... enfin, il faut tacher de se tirer d'affaire le moins mal possible. - La femme de mon frere, qui n'est pas Allemande pour rien, s'est resolument mise a la besogne depuis les deux jours que nous sommes ici - et deja aujourd'hui nous avons une cuisine. - On m'a arrange une petite chambre dans une vaste fabrique de papier, qui reste inactive pour le moment, grace a un proces que la mauvaise administration de ma mere nous a attire. De mes fenetres je vois un grand pre baigne par la riviere - des pluviers s'y promenent gravement - le village s'etend le long du rivage oppose qui est tres escarpe. - J'ai deja ete a la chasse hier et aujourd'hui - il y a fort peu de gibier cette annee, cependant, a nous deux (mon chasseur Athanase et moi) nous avons tue 3 lievres, 8 coqs de bruyere, 5 perdrix et 1 caille. - Ma Diane a fait merveille; elle a arrete des coqs de bruyere qu'elle sentait pour la premiere fois de sa vie avec une surete admirable; j'ai trouve ici un excellent chien, le fils de mon vieux Naples, qu'Athanase a dresse et auquel il a donne le nom d'Astronome. Tout cela me fait penser a Sultan, a nos chasses en Brie, a Courtavenel... Mon Dieu! mon Dieu! quand reverrai-je tous ces endroits cheris?-- Bonsoir - je suis fatigue, je vous serre les mains bien cordialement et je prie le bon Dieu de vous benir mille et mille fois. - Soyez heureuse et ecrivez-moi. - Soyez heu-i e use. -

Mercredi, 4 aout4. 6 h. du matin.

Il fait une matinee splendide - l'air est dore, limpide et pur comme du cristal; on peut distinguer chaque feuille des saules de l'autre cote de la riviere. - J'eprouve du bonheur a vous ecrire, a penser a vous par un temps pareil. - Que toute votre vie soit radieuse et douce et belle comme cotte matinee! - Voila cinq jours que nous sommes ici - il ne s'est pas passe d'evenement important pendant ce temps: nous nous casons, nous nous arrangeons - mon frere se demene en diable - sa femme fait de son cote tout ce qu'elle peut - imaginez-vous que nous sommes entres dans une maison abandonnee. - Ma mere est arrivee hier a sa campagne - a 15 werstes (3 lieues) d'ici; la premiere chose qu'elle ait faite en arrivant a ete d'expedier un ordre pour faire revenir le chasseur Athanase, dont elle n'a aucun besoin,-- elle veut me priver du plaisir de chasser avec un homme qui connait les lieux - c'est bien mesquin. - Enfin! - je crains qu'elle ne soit venue ici pour tracasser mon frere, qui n'est pas encore completement - legalement - independant. - Nous verrons. - C'est bien triste - tout cela. Mon frere et sa pauvre femme - renaissaient a vue d'oeil dans cet air de liberte, qu' ils n'ont guere connu jusqu'a present. Enfin - il faut encore esperer que les choses n'iront pas aussi mal. - Mon Dieu! quel beau soleil - quel ciel eclatant!-- On a de cela aussi en Russie - c'est invraisemblable - mais cela est. - Penser qu'il ne faut a la lumiere qu'une imperceptible fraction de seconde pour aller d'ici a Londres - - je vous envoie tout ce que j'ai d'affection dans le coeur sur un de ces magnifiques rayons. - Je me suis deja mis au travail; il le faut - maintenant que je n'ai que cela pour vivre - et puis, j'en ressentais le besoin. - La veille de mon depart de Moscou, j'ai recu une bien bonne lettre de Gounod avec force details sur vous, sur "Sapho" - mais je crois que je vous l'ai deja dit; je lui ecrirai l'un de ces jours. Dieu! que je serais heureux si l'envoye qui portera cette lettre a ichern m'en rapporte une de vous!.. Il y a plus de six semaines que nous sommes separes - et je n'ai recu en tout que deux lettres6. - Chere et bonne amie, ecrivez-moi, je vous en prie, a demain (je recommencerai! une autre lettre demain). Que le bon Dieu vous benisse et vous protege. J'embrasse vos belles et cheres mains.

Mille amities a Viardot, a Choriey, a Manuel, a lady Monson. - Adieu. - Soyez heureuse, benie et bien portante.

Votre J. Tourgueneff.

Перевод  с французского:

Тургенево1.

Воскресенье вечером, 21 июля/2 августа 18502. 2 августа

И вот я среди степей - о глуши, дорогой, добрый, превосходный друг - так далеко от вас, как это только возможно, далеко во всех отношениях, потому что здесь, как вы хорошо можете себе представить, мы не получаем газет. Возьмите атлас, на карте России поищите дорогу из Москвы на Тулу и из Тулы на Орел - и если между двумя этими городами вы найдете город под названием Червь (немного ранее другого города, именуемого Мценском), то подумайте о том, что я нахожусь от него на расстоянии двух французских лье (10 верст). То маленькое имение, где я живу, некогда принадлежало моему отцу - и в данное время это всё, чем я владею на земле. В моем последнем письме я говорил вам о волоске, на котором держались все мои надежды: так вот, этот волосок порвался окончательно и навсегда. Всё решилось в самый день моего отъезда из Москвы. Я не могу - и вы хорошо понимаете почему - сообщить вам все подробности этого дела; вам будет достаточно узнать, что, несмотря на все меры предосторожности, все жертвы - после того, как более, чем за две недели вся моя изобретательность полностью истощилась - мне пришлось сделать выбор между потерей достоинства, независимости - и бедностью. Я недолго раздумывал над выбором - покинул материнский дом и отказался от ее состояния3. - Не правда ли, мои дорогие друзья, вы мне поверите, если я скажу вам, что поступить иначе было для меня невозможно, повторяю вам - в данный момент я считаю, что, если б я поступил иначе, то не был бы более достоин вашего уважения. Когда мы свидимся вновь, когда я обрету это счастье, такое большое, что я едва смею о нем мечтать,-- то расскажу вам всё... теперь же я должен молчать. К счастью, в эту катастрофу я но вовлек моего брата - и даже думаю, что он, рикошетом, останется в выигрыше, чем я очень доволен - так как это честный и достойный человек. Его жена, которую я узнал теперь гораздо ближе, чем раньте, тоже прекрасный человек. Молюсь об их счастье - они этого вполне заслуживают за все терзания, что выпали им на долю.

лишь память о вас, лишь ваша душевная приязнь ко мне поддерживает меня - я рухнул бы под тяжестью моей печали, но будь у меня моего прошлого - и надежды на будущее... Вы даже по представляете себе, как я вас люблю,-- с какою силой отчаяния нас обнимаю, за вас цепляюсь,-- нежно люблю вас,-- люблю, думаю о вас ежеминутно.

Мы приехали сюда третьего дня, мой брат, его жена и я. Брат поселится здесь как помещик. Я проведу тут два месяца и, когда налажу немного свои дела, возвращусь в Петербург, чтобы жить там трудясь и своим трудом. Расположено Тургеневе довольно приятно. Холмы, рощи, весьма мило извивающаяся река, красиво зеленеющие большие луга - но дом очень невелик, сад совершенно запущен - никаких плодов,-- почти полное отсутствие всего, что называется хозяйством... в конце- кондов надо постараться выйти из этого положения наилучшим образом, В то два дня, что мы здесь, жена моего брата, она недаром немка, решительно взялась за дело - и сегодня у нас уже есть кухня. Мне устроили комнатку в обширном помещении бумажной фабрики, в настоящее время бездействующей из-за процесса, который навлекло на нас дурное управление моей матери. Из окон я нижу большой луг, омываемый рекой,-- там важно прохаживаются зуйки,-- вдоль другого, очень обрывистого, берега тянется деревня. Вчера и сегодня я уже охотился - в этом году очень мало дичи, однако мы вдвоем (мой егерь Афанасий и я) убили 3 зайцев, 8 глухарей, 5 куропаток и 1 перепёлку. Моя Диана творила чудеса, она с восхитительной уверенностью находила глухарей, которых чуяла в первый раз в жизни; я обнаружил здесь превосходную собаку, сына моего старого Наполя, которого Афанасий выдрессировал и прозвал Астрономом. Всё это напоминает мне о Султане, о наших охотах в Бри, о Куртавнеле... Боже мой! боже мой! когда я снова увижу все эти дорогие места? Добрый вечер - я устал, сердечно пожимаю вам руки и молю бога благословить вас тысячу и тысячу раз. Будьте счастливы и пишите мне. Будьте счастливы.

Среда, 4 августа4

Стоит роскошное утро - воздух золотистый, прозрачный и кристально чистый; на ивах но ту сторону реки можно рассмотреть каждый листок. Я счастлив, что в такую погоду пишу вам, думаю о вас. Да будет вся ваша жизнь такой же сияющей, и сладостной, и. прекрасной, как это утро! Вот уже пить дней, как мы здесь,-- за это время не случилось ничего важного: мы размещаемся, устраиваемся - мой брат чертовски суетится - со своей стороны, жена его делает всё что может - водь мы, представьте себе, вселились в покинутый дом. Моя мать приехала вчера в свое имение - в 15 верстах (3 льё) отсюда; прибыв туда, она первым делом приказала вернуть моего егеря Афанасия, хоть он ей совершенно не нужен - она хочет лишить меня удовольствия охотиться с человеком, знакомым с местностью - это так мелочно! Вообще же я боюсь, что она появилась здесь, чтобы наделать неприятностей моему брату, который - по закону - от нее в какой-то мере всё еще зависит. Увидим. Всё это - очень грустно. На приволье, которого они до сих пор никогда не ведали, мой брат и его бедная жена оживают на глазах. Словом, надо еще надеяться, что дальше дела пойдут не так уж плохо. Боже мой! что за прекрасное солнце - что за сияющее небо! И такое тоже бывает в России - неправдоподобно - но это так. Только подумать, что свету нужна какая-то неуловимая доля секунды, чтобы попасть отсюда в Лондон... с одним из этих великолепных лучей я шлю вам наполняющую мое сердце любовь. Я уже принялся за работу; так надо - теперь, когда мне осталось жить только этим - и потом, я чувствовал в этом потребность. Накануне отъезда из Москвы я получил очень милое письмо от Гуно, со множеством мелких подробностей о вас, о "Сафо",-- но мне кажется, я вам об этом уже говорил; на днях я ему напишу. Боже мой! как был бы я счастлив, если бы человек, который отвезет это послание в Чернь, привез мне оттуда письмо от вас!.. Вот уже больше полутора месяцев, как мы расстались - а я получил от вас, всего два письма5. Дорогой и добрый друг, прошу вас, пишите мне; до завтра (завтра я начну повое письмо). Да благословит и хранит вас бог. Целую ваши прекрасные и дорогие руки.

Тысяча приветов Виардо, Чорли, Мануэлю, леди Монсон. Прощайте. Будьте счастливы благословенны и здоровы.

Ваш И. Тургенев.

Печатается по фотокопии: ИРЛИ, Р. I, оп. 29, No 422.

Подлинник хранится в Bibl Nat.

Т, Lettres ined, p. 28--30.

1 Тургенево - небольшое имение в Чернском уезде Тульской губернии, в 18 верстах от Спасского, принадлежавшее С. Н. Тургеневу, после смерти которого перешло к его сыновьям. Имение оставалось до 1850 г. в нераздельном владении: двух братьев - Николая и Ивана, а затеи И. С. Тургенев передал свою часть брату Николаю. Писатель, пробыв 10 дней в Москве, в середине июля ст. ст. приехал в Тургеневе и поселился там, не желая жить в Спасском из-за плохих отношений с матерью.

2

3 См. об этом: Житова, с. 133--142.

4 В 1850 г. среда приходилась не на 4-е, а на 7-е августа н. ст.

5 Т, ned, p. 310-314.

Раздел сайта: