Тургенев И. С. - Виардо Полине, 3 (15) августа 1850 г.

148. ПОЛИНЕ ВИАРДО

3 (15) августа 1850. Тургенево 

Tourguenovo, le 3/15 aout 1850.

M'oubliez-vous, mes chers amis - ou bien vos lettres se perdent-elles? - Voila bientot un mois que j'ai recu votre derniere lettre1, chere Madame Viardot - (a Moscou) - et depuis ce temps - rien, plus rien. - Je n'ai pas meme encore recu de reponse a la lettre dans laquelle je vous annoncais mon arrivee a Petersbourg2. A l'heure qu'il est, vous devez etre a la veille de quitter Londres (je vous ecris a Gourtavenel) - et je ne sais meme pas si vous avez chante "La Juive". - Une pareille distance est une cruelle et vilaine chose. - J'espere que vous vous portez bien, que vcus avez de beaux succes, que vous ne m'oubliez pas... Pour moi, je ne cesse de penser a vous. - C'est pour le coup que vous etes Consuelo pour moi - ma consolation3. - Vous savez la determination que j'ai prise par rapport aux biens de ma mere; il parait que depuis ce temps elle a eu des remords de ce qu'elle a fait; du moins, elle m'a fait faire par l'entremise de mon frere - des offres, comme si dans toute cette penible affaire je n'avais eu que mes interets en vue! - Cette facilite de supposer le mal, l'egoisme, la petitesse dans les autres m'epouvante pour ceux auxquels ces pensees viennent - ils jugent donc des autres par eux-memes. Piensa mal y acertaras - c'est donc naturel de "pensar mal"! Et puis, cette idee de croire qu'on peut tout reparer avec de l'argent, parce que tout ce qu'on fait ne se fait que pour cela... Je vous parle en enigmes; il m'est impossible d'etre plus clair - cependant, je crois que si meme cela m'eut ete permis, je n'aurais pas voulu exposer a votre regard si noble et si pur toutes ces plaies. - D'un autre cote, comme apres tout - c'est ma mere - je crois que je finirai par accepter un arrangement quelconque plutot pour eviter le scandale que pour toute autre chose. Grace a Dieu, mon frere est definitivement etabli et respire enfin. - C'est bien penible de trouver aussi peu de bonheur dans sa propre maison - j'allais dire dans son nid -- et je n'aurais pas dit la verite - mon nid est loin, bien loin d'ici - il y fait bon et doux et je compte y retourner tot ou tard, si Dieu me prete vie. Vous savez ou il est, n'est-ce pas?

Cependant, je ne suis pas completement isole ici; mon frere est un si bon enfant et il adore sa femme avec une tendresse si naive que cela fait plaisir a voir. - Elle est d'un caractere un peu froid et se laisse tranquillement adorer - mais c'est une excellente femme et une menagere comme il n'y en a pas. - Grace a elle, nous faisons tres bonne chere dans notre Thebaide; vous savez que c'est la une de mes nombreuses faiblesses. - Je travaille beaucoup et je crois assez bien 4 je suis sur que j'aime les rougets - car il m'est impossible de ne pas aimer tout ce qui tient d'une facon ou d'une autre a Courtavenel. Ma lettre vous y trouvera: saluez-le, embrassez-le de ma part; dites-lui que je l'aime de toutes les forces de mon coeur - lui et tout ce qu'il renferme. - Je suis sur que Viardot pensera quelquefois a son compagnon de chasse qui le faisait jurer par sa negligence... il peut etre bien sur de son cote que je ne prends jamais mon fusil sans pousser un gros soupir a son adresse. - J'ai ete plusieurs fois a la chasse depuis que je suis ici - mais decidement le gibier a quitte ces pays - il faut s'ereinter, courir des journees entieres pour trouver une pauvre compagnie de coqs de bruyere. Je ne crois pas non plus que les doubles becassines nous seront favorables: il fait depuis dix jours un temps horriblement beau; pas un nuage au ciel, une chaleur accablante, une secheresse complete - toutes choses qu'elles aiment fort peu. Enfin - nous verrons. - Diane est plus excellente, plus infatigable que jamais. Elle m'a trouve des coqs de bruyere a midi, par une chaleur dont vous n'avez pas d'idee, vous autres Francais. - C'est du plomb fondu que vous envoie ce ciel d'un bleu sombre et lourd, sur lequel se promene une espece d'enrage qui vous brule et vous mord - et qu'on nomme le soleil. - Et dans un mois nous aurons peut-etre deja de la neige! - Voila comme cela se fait chez nous.

Je dois dire cependant qu'il y a dans l'air de la patrie quelque chose d'indefinissable - qui vous penetre et vous prend au coeur. - C'est la sympathie involontaire, secrete du corps avec le sol sur lequel il est ne. --Et puis - les souvenirs de votre enfance, ces hommes qui parlent votre langue et qui sont petris de la meme pate que vous, tout, jusqu'aux {Далее зачеркнуто: defaut} imperfections de cette nature qui vous entoure, imperfections qui vous deviennent cheres comme les defauts d'une personne aimee - tout vous emeut, vous saisit. - On est quelquefois tres mal - mais on est dans son element. - Peut-etre qu'en disant tout cela, je veux me faire de necessite vertu. Les paysans de Tourguenevo sont bien aises du changement qui vient de se faire dans leur administration; la femme de mon frere a deja su se faire aimer en visitant les paysannes, en soignant leurs enfants malades. Le dimanche qui a suivi notre arrivee ici tous les habitants de Tourguenevo se sont reunis en grand costume devant la maison de mon frere; nous nous sommes solennellement presentes devant eux - (je vous avoue que j'etais fort embarrasse de ma personne - decidement je ne suis pas "a public man") - et nous nous sommes embrasses - plus de trois cents barbes ont passe sur mes joues. - Mon frere leur a fait une petite allocution, leur a fait distribuer du vin et des pates - leur a presente sa femme - et les rejouissances ont commence. - On a chante et danse jusqu'au soir devant nos fenetres. Je regrette fort de n'etre ni peintre, ni musicien; j'aurais bien voulu vous noter plusieurs de leurs airs d'une coupe tres originale - ou vous envoyer des esquisses de costumes. - Parmi les femmes il y en avait qui dansaient avec grace; l'une d'elles surtout etait vraiment charmante. - Elle faisait souvent le geste de soulever un peu et delaisser retomber son tablier - vous ne sauriez croire combien c'etait gracieux. - Leur costume me semblait bizarre et familier a la fois;-- je suis ne ici - et je viens de passer quatre annees hors de la Russie. - Au lieu de le decrire minutieusement - je vais tacher de vous envoyer une esquisse. Si je ne trouve pas de crayon plus exerce que le mien, ma foi, je m'y mettrai moi-meme. - Il m'est si doux de vous apporter toutes mes impressions - des que je vois quelque chose qui me frappe ou qui me plait" je pense au bonheur que j'aurais eu de vous en parler. - Helas! quand ce bonheur arrivera-t-il? - Pas l'annee prochaine - toujours; il ne faut pas y penser, ma chere et bonne amie!

Je m'en veux de ne pas vous ecrire de journal; j'en commencerai un des demain,-- Quand on ecrit tous les jours, on rend l'impression fidele de sa vie. - tandis que si l'on n'ecrit que de loin en loin - on veut resumer ce qui s'est passe - et l'on perd les trois quarts. - Et j'ai la fatuite de croire que vous vous interessez assez a moi pour desirer savoir les details de ma vie - - Dans cinq jours vous recevrez une lettre dont vous serez contente, je vous en reponds. - Maintenant, je vous prie de me donner vos mains, pour que je les serre et les embrasse avec toute la tendresse de mon affection. - Que Dieu vous benisse, chere, bonne et noble creature! Mille amities a Viardot, a Gounod auquel je viens d'ecrire une longue lettre, a L, Monson (si elle est a Cour-tavenel), a Mlle Berthe, a Mme Gounod, a Mr et Mme Sit-ches, a tout le monde enfin. - Je nomme Mme Garcia pour la bonne bouche. Embrassez-la bien fortement de ma part, et rejouissez-vous d'etre ensemble, heureux et gais,-- Je crois bien que vous etes heureux - vous entendez "Sapho"! - vous m'en donnerez des nouvelles, n'est-ce pas? - Adieu, adieu. - Je vous aime et je reste a jamais votre

NB. Je vous envoie mes lettres par l'entremise du comptoir d'Iazykoff; depuis mon arrivee en Russie, je vous ai ecrit 10 fois: 4 fois de Petersbourg, 4 fois de Moscou et 2 l'ois d'ici.

Перевод с французского;

Тургенево,

То ли вы забыли меля, мои дорогие друзья, то ли ваши письма теряются? Вот уже скоро месяц, как я получил (в Москве) ваше последнее письмо12. Сейчас вы, вероятно, накануне отъезда из Лондона (пишу вам в Куртавнель), и я даже не знаю, пели ли вы в "Жидовке" или нет. Такое расстояние - вещь жестокая и скверная. Надеюсь, что вы здоровы, что вы имели большой успех, что вы меня не забываете... Что касается меня, то я непрестанно думаю о вас. Потому что для меня вы поистине Консуэло, мое утешение3. Вы знаете о моем решении относительно материнского имущества; с тех пор у нее, кажется, появились угрызения совести по поводу того, что она сделала; во всяком случае, она через моего брата кое-что мне передала, словно во всем этом тягостном доле я преследовал только собственные интересы! Легкость, с какой люди подозревают других в злобе, эгоизме, мелочности внушает мне страх за тех, кому такие мысли приходят в голову - значит, по себе они судят о других. Piensa mal y acertaras, следовательно, "pensar mal" {Думай плохое и ты верно угадаешь... "думать плохое" } - естественно! И потом, это представление о том, что деньгами всё можно поправить, потому что всё делается ради них... Говорю вам загадками; высказаться более ясно для меня невозможно; думаю, однако, что если бы даже это было] мне и позволено, то я не захотел бы открывать все эти язвы вашему столь благородному и столь чистому взору. С другой стороны, коль скоро это всё же моя мать, думаю, что в конце концов пойду на какое-нибудь соглашение, скорее, чтобы избежать скандала, чем для чего-либо другого. Слава богу, брат мой устроен окончательно и наконец свободно вздохнул. Очень тягостно найти так мало счастья в родном доме... я чуть было не сказал, в своем гнезде -- и сказал бы неправду - мое гнездо далеко, очень далеко отсюда, там хорошо и уютно, и если богу будет угодно, я надеюсь рано или поздно туда возвратиться. Вы-то знаете, где оно находится, не правда ли?

Я здесь, однако, не совершенно одинок; мой брат такой добрый малый и обожает свою жену с такой наивной нежностью, что на это приятно смотреть. По своему характеру она немного холодна и спокойно позволяет себя обожать - но это прекрасная женщина, и хозяйка - каких нет. Благодаря ей, мы в нашей Фиваиде отлично едим; вы знаете, что это одна из моих многочисленных слабостей. Я много работаю и, кажется, довольно успешно4 люблю и слепней, так как не могу не любить всего, что в той или иной степени связано с Куртаввелсм. Там и застанет нас мое письмо: приветствуйте его, расцелуйте от меня, скажите, что я люблю его всей душой - его и всё, что в нем заключено. Я убежден, что Виардо вспоминает иногда о своем товарище по охоте, чья небрежность заставляла его браниться, он, со своей стороны, тоже может быть уверен, что я никогда не беру ружья в руки, не вздохнув тяжко о нем. С тех пор, что я здесь, я много раз был на охоте, но дичь решительно покинула эти края - приходится надрываться, бегать целыми днями для того только, чтоб обнаружить жалкий выводок глухарей. Не думаю также, чтоб и с дупелями дело обстояло благополучнее: уже десять дней, как у нас стоит ужасающе хорошая погода; на небе ни облака, изнуряющая жара, полная засуха - всё то, что им по очень нравится. Ну, посмотрим. Диана более чем когда-либо превосходна и неутомима. Она выследила мне глухарей в самый полдень, по такой жаре, о которой вы, французы, не имеете никакого понятия. Расплавленный свинец льется с тяжелого, темно-синего неба, по которому прогуливается нечто разъяренное, обжигающее и кусающее вас,-- именуемое солнцем. А через месяц у нас, может быть, уже выпадет снег! Вот как у нас это делается.

Я должен всё же сказать, что в родном воздухе есть почто неуловимое, трогающее нас и хватающее за сердце. Это невольное, скрытое тяготение тела к той земле, на которой оно родилось. И потом, детские воспоминания, эти люди, говорящие на вашем языке и сделанные из одного теста с вами, всё, вплоть до несовершенств окружающей вас природы, несовершенств, которые делаются вам дорогими, как недостатки любимого существа - всё вас волнует и захватывает. Хоть иной раз бывает и очень плохо - зато находишься в родной стихии. Может быть, говоря всё это, я хочу только выдать необходимость за добродетель. Тургеневские крестьяне очень довольны переменой, только что свершившейся в управлении ими; жена моего брата уже сумела завоевать любовь тем, что навещает крестьянок, лечит их детей. В первое же воскресенье после нашею приезда сюда все жители Тургенева, принарядившись, собрались перед домом брата; мы торжественно перед ними предстали (признаюсь, что моя особа чрезвычайно меня смущала - я решительно не "а public man" {общественный человек (англ.).}) - и все перецеловались, по моим щекам прошлось больше трехсот бород. Мой брат обратился к ним с небольшим приветствием, велел раздать вино и пироги - представил им свою жену - и началось веселье. До самого вечера под нашими окнами пели и танцевали. Очень сожалею о том, что я не музыкант и не художник; мне так хотелось записать многие из их мелодий, очень оригинальных по складу,-- или послать вам наброски с костюмов. Некоторые из женщин танцевали очень грациозно; одна из них была поистине очаровательна. Она всё время то немного приподнимала, то опускала свой передник - вы по поверите, как это было изящно. Их наряд показался мне и странным и знакомым; я ведь здесь родился, хоть и провел четыре года за границей. Вместо того, чтобы их тщательно описывать, попробую послать вам набросок с них. Если не найдется карандаша более опытного, чем мой, то я, право, возьмусь за дело сам. Мне так приятно делиться с вами моими впечатлениями - как только я вижу что-нибудь, что меня поражает или мне нравится, то думаю о том, как бы я был счастлив сказать вам об это". Увы! когда еще это счастье придет? Во всяком случае - не в будущем году; об этом нечего в думать, мой дорогой и добрый друг.

Сержусь на себя за то, что не веду для вас дневника; начну его с завтрашнего дня. Записывая ежедневно - верно передаешь свои жизненные впечатления, а если пишешь только время от времени, то лишь резюмируешь происшедшее и три четверти его ускользает. Я же смею надеяться, что вы интересуетесь мной достаточно для того, чтобы вам хотелось быть в курсе всех мелочей моей жизни. Через пять дней вы получите письмо, которым, ручаюсь, вы останетесь довольны. Теперь же прошу вас протянуть мне ваши руки, чтобы я мог пожать и поцеловать их со всей нежностью моего чувства. Да благословит вас бог, дорогое, доброе и благородное создание! Тысяча приветов Виардо, Гуно, которому я только что написал длинное письмо, леди Монсон (если она в Куртавнеле), м-ль Берте, г-же Гуно, г-ну и г-же Сичес, словом, всем. Г-жу Гарсиа я называю на закуску. Крепко поцелуйте ее за меня и радуйтесь тому, что вы все вместе, счастливые и веселые. Еще бы вы не были счастливы - вы слушаете "Сафо"! о ней вы мне сообщите, не правда ли? Прощайте, прощайте. Люблю вас и остаюсь навсегда ваш И. Тургенев.

Примечания

Печатается по фотокопии: ИРЛИ, P. I, оп. 29, No 422. Подлинник хранится в Вibl Nat.

Т, Lettres ined, p. 31--34.

1 Это письмо неизвестно.

2

3

4 Тургенев в это время работал над рассказом "Певцы" из "Записок охотника".

Раздел сайта: